Martin Beniston au centre. Crédit photo ©in-fuseon.

Martin Beniston au centre. Crédit photo ©in-fuseon.

Le plus grand catamaran solaire vient de repartir de Boston le 4 juillet pour remonter le Gulf Stream en sillonnant les fascinants vortex océaniques situés entre Boston et St-John’s (Canada). Lorsque j’ai eu le grand plaisir de rencontrer à Boston le professeur Martin Beniston, leader de la mission scientifique de l’expédition PlanetSolar DeepWater, il était déjà question de modifier la route du bateau. C’est désormais officiel: PlanetSolar ne remontera pas jusqu’en Islande puis en Norvège comme initialement prévu mais amorcera son retour au bercail européen après sa dernière escale sur le territoire canadien. Merci à Martin Beniston de s’être prêté au jeu de quelques questions/réponses !

ADAPTER SA ROUTE EN FONCTION DES ALÉAS

N’est-ce pas la meilleure des leçons de sagesse que nous donne la décision concertée entre le comité scientifique dirigé par Martin Beniston et le capitaine du Tûranor PlanetSolar, Gérard d’Aboville ? Adapter la route du bateau en tenant compte que :

  • L’expédition a pris 3 semaines de retard à cause d’une météo peu clémente
  • Et par conséquent, les conditions d’ensoleillement et l’inclinaison des rayons du soleil à hauteur de l’Islande risquent de ne pas être optimales pour alimenter le bateau avec suffisamment d’énergie solaire.

Tout comme la vie sur le bateau inspire à revenir aux choses essentielles et de supprimer l’inutile, cette décision est emprunte de symbolisme et d’exemplarité en optimisant les ressources à disposition (l’énergie) tout en répondant aux objectifs techniques de la mission scientifique des climatologues de l’expédition.

 

QUESTIONS A MARTIN BENISTON

Martin Beniston a cette belle capacité de vulgarisation du domaine complexe de la recherche scientifique sur le climat pour la rendre abordable simplement.

Source : newsletter de PlanetSolar DeepWater- Crédit photo © Susan Young.

Source : newsletter de PlanetSolar DeepWater- Crédit photo © Susan Young.

Que cherchez-vous à découvrir pendant cette expédition ?
Nous cherchons de nouvelles données pour comprendre les mécanismes qui relient les conditions physiques de l’eau et de l’air  et les conditions biologiques (micro-organismes) comme influenceurs potentiels du climat. Nous soupçonnons 3 éléments d’influence du climat :

  • Les phytoplanctons
  • Les vortex océaniques
  • Les aérosols atmosphériques.

Grâce aux mesures et prélèvements effectués sur le bateau, nous cherchons à mieux comprendre la finesse des équilibres et déséquilibres entre l’atmosphère et l’eau.
On parle certes d’émissions de gaz à effet de serre qui réchauffent notre planète et contribuent à faire fondre les glaces polaires, mais le climat est un personnage bien plus complexe encore!

Quel type de mesures effectuez-vous à bord ?
Nous effectuons des milliers de mesures. Certaines sont faites en continu à la surface de l’eau (relevés des températures, densité du phytoplancton), d’autres nécessitent des sondages en profondeur (300 mètres) pour relever la salinité, la densité des nutriments, la capacité de brassage de l’eau, etc.).

Il y a plus de biomasses dans les océans que sur terre. Grâce au phytoplancton, plancton végétal qui domine les éco-systèmes océaniques, les océans absorbent la moitié du CO2 de l’atmosphère. Or par une absorption excessive de CO2, le phytoplancton acidifie l’eau ce qui peut créer sa propre perte.
Le seuil d’absorption du CO2 par le phytoplancton dépend des conditions de vie de ce dernier (nutriments, température de l’eau, brassage des eaux, intensité de la lumière…).

Les vortex sont des formations tourbillonnaires qui créent dans l’océan des surfaces en rotation piégeant le phytoplancton. On les trouve en grand nombre au large des côtes nord-américaines. C’est pourquoi nous allons remonter le Gulf Stream en zigzaguant pour effectuer des mesures afin de documenter les caractérisiques chimiques, physiques, et biologiques à l’intérieur et à l’extérieur des vortex.

Les aérosols sont constitués de minuscules particules solides ou de gouttelettes chimiques ou organiques libérées dans l’atmosphère par les embruns et sont suffisamment légers pour rester en suspension dans l’air. Nous voulons faire un inventaire de ces particules (typologie, quantité) émises par les océans, ce qui reste aujourd’hui encore très peu connu. L’Université de Genève et son Département de Physique Appliquée ont développé la Biobox, un appareil prototype qui permet de compter le nombre d’aérosols détectés et de déterminer leur espèce chimique ou biologique. Embarquée sur le bateau, la Biobox a soulevé l’intérêt de la NASA qui a demandé à l’expédition de faire  des mesures avec l’un de ses propres instruments de comptage d’aérosols en parallèle : le Microtop. Une belle collaboration pour faire avancer les comparaisons scientifiques.

Les instruments semblent se cumuler à bord avec l’arrivée d’un  petit dernier qui enregistre les vocalises des baleines et des dauphins !

Combien de mesures avez-vous effectué jusqu’ à Boston ?
Avec les aléas météo depuis le début de notre remontée du Gulf Stream à partir de Miami, nous n’avons rempli que 4 jours de mesures, mais nous comptons nous rattraper dans la partie la plus passionnante du Gulf Stream entre Boston et St-Jean (Terre-Neuve). Au total nous aurons parcouru le Gulf Stream sur 6’000 à 7’000 kms !

Combien de chercheurs travaillent sur les données ?
Une quinzaine de scientifiques de l’Université de Genève contribuent à la mission scientifique. Sur le bateau, 3-4 chercheurs de l’équipe sont présents en permanence et un tournus s’organise en fonction des étapes. A Genève même, nous avons des réunions régulières de la « Mission Control », 2-3 fois par semaine, pour garder le contact avec le bateau et ses équipiers, et si nécessaire affiner la trajectoire du navire en fonction des photos satellites les plus actuelles.

Quand pourrez-vous vous prononcer sur les premiers résultats ?
Fin août ou début septembre. On commence à analyser les données déjà maintenant, au fur et à mesure qu’elles nous sont transmises via Internet, surtout pour s’assurer de la cohérence des instruments de mesure.

POUR CELLES ET CEUX QUI RESTENT À GENÈVE

PlanetSolar DeepWater pense à ceux qui restent à Genève en organisant des actions publiques de sensibilisation.
Après l’opération Iceberg qui se dégonfle dans le hall de l’Université de Genève comme symbolique de la fonte des glaces de l’océan Arctique, un nouvel iceberg géant dérive dans la rade de Genève depuis le 6 juillet. Les visiteurs des Bains des Pâquis sont invités à découvrir une exposition aquatique sur les changements climatiques jusqu’au 31 août. Vérifiez le programme complet.

Crédit photo : © Magali Girardin.

Crédit photo : © Magali Girardin.

EN APARTÉ

Saviez-vous que le sommet mondial du climat à Copenhague avait réuni l’accord de contenir à +2°C la hausse de la température moyenne d’ici à 2050, que fin 2012 le protocole de Kyoto (lutte contre le réchauffement climatique) a été prolongé de justesse jusqu’en 2020 pour 200 pays signataires (mais qui ne représentent que 15% des émissions de gaz à effet de serre) et que le sommet de Bonn qui vient de s’achever prépare un nouvel accord global en 2015 pour tenter d’atteindre l’objectif de +2°C maximum?

En attendant que les pays ne cessent de s’organiser, il relève de tout un chacun et des entreprises seules ou en consortium de mettre en place nos propres actions pour réduire les émissions de CO2.

Sources d’informations complémentaires :

L’expédition « PlanetSolar DeepWater », son parcours, ses blogs, et d’autres informations sur www.planetsolar.org!

TDG : « Un iceberg dérive dans la rade. »

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